Cette fois encore je puis vous dire que je suis très contente de ma place, peut-être plus satisfaite qu’à Menin,[1] parce que ici je n’ai pas l’embarras de faire tenir mes petites élèves en place; l’institutrice en chef a une très grande autorité personnelle, personne n’ose bouger quand elle est là et comme nous sommes dans une même salle mes enfants sont tranquilles sans peine. C’est maintenant que je vais bien travailler, car il faudrait n’avoir pas de coeur pour être indifférente au bonheur des enfants quand on a devant soi une personne qui se laisserait plutôt mourir que de manquer à ses devoirs.
Puisque je suis ici loin de tous mes amis je ne peuxp2mal de m’égarer car je suis en très-bonne compagnie: Je suis logée chez Mr le curé en attendant que notre maison soit prête à nous recevoir[2] j’espère que ce sera bientôt car maintenant je ne sais pas étudier du tout, c’est à peine si je lis 2 pages par jour et encore pour faire cela je dois bien faire des efforts. Tout notre temps se passe en allées et venues: De chez le curé à la messe de 7 h., de la chez le maréchal du village où l’institutrice en chef et moi nous prenons nos repas, ensuite à l’école, à 11½ h retourner chez le maréchal, puis de nouveau en classe jusqu’à 4 h., ensuite il nous faut aller goûter et de p3puis lors jusqu’à 7 h. (temps du souper) nous pourrions faire quelque chose si nous étions libre, mais comme cela n’est pas, nous préférons passer nos soirées chez l’un de nos voisins, où nous jouons aux cartes ou aux dominos.
Il faut tout de même avouer que j’ai beaucoup de chance, car j’aurais pu, tout aussi bien, être placée à Enghien[3] et là je ne me serais pas plû du tout, la directrice est une personne maladive et par suite extrêmement impérieuse, la sous-institutrice est une de mes meilleures amies du pension et nous n’avons presque pas le loisir de nous p4voir, figurez-vous qu’elle n’est pas tout à fait libre dans sa correspondance. Il est heureux pour la directrice qu’elle ne m’ait pas sous sa domination, car je ne pourrais m’y soumettre, car, voyez-vous, avec de la gentillesse on obtient beaucoup chez moi, mais quand on s’y prend d’une manière qui me blesse je suis alors à peu près comme un cheval qui se cabre.
Très-digne Monsieur, je n’ose presque pas vous envoyer cette lettre, tellement elle est peu soignée, mais je compte sur votre indulgence pour celle qui se nommera toujours, avec bonheur,
Léonie
Il est impossible de la reécrire malgré toute ma bonne volonté